La Suisse : la répartition des langues
Posté le Tue 18 October 2016 dans SIG / Géographie
Temps de lecture estimé : 7 minute(s).
Cet article est le second d'une série d'écrits sur le thème "La Suisse avec des cartes". Toutes les données utilisées pour créer les cartes sont issues de Swisstopo et Wikipédia
Les langues
Les langues, en Suisse, c'est... comment dire... c'est le bordel... Et honnêtement, je ne sais pas comment ils s'en sortent !
Il y a quatre langues officielles en Suisse : L'allemand, le français, l'italien et le romanche.
1. L'allemand
L'allemand germanique (celui qui est également parlé en Allemagne) est une des langues officielles de la Suisse. L'allemand est de loin la langue la plus utilisée en Suisse, et elle est parlée principalement au Nord et au Centre du pays. On notera cependant quelques différences avec l'allemand utilisé en Allemagne :
- Le "ß" par exemple n'existe pas. On le remplacera pas "ss". Par exemple, il ne faudra pas écrire groß mais gross. Pour la petite histoire, il parait que le "ß" a été supprimé du suisse-allemand suite à la seconde guerre mondiale, les suisses étant désireux de s'éloigner autant que possible de la culture allemande.
- Certains mots ont été empruntés au français. C'est le cas par exemple de Kondukteur, trottoir, pissoir. A noter que chez nous pissoir serait plutôt du langage familier, alors qu'en suisse il s'agit d'un mot tout à fait correct.
A l'oral par contre, c'est plutôt le suisse-allemand qui prime, et ce avec des accents bien distincts selon les cantons. Ainsi, le suisse-allemand parlé à Bâle sera bien différent du suisse-allemand parlé à Berne. En France, nous avons certes des accents différents entre Marseille et Strasbourg. Mais nous nous comprenons. Alors qu'en Suisse, il n'est pas rare que les gens de Bâle ne comprennent pas entièrement ceux de Berne !
Personnellement, cela fait environ 8 ans que je travaille à Bâle. Et autant j'ai fait d'énormes progrès en allemand, autant j'ai encore bien du mal à comprendre le suisse-allemand. C'est une langue vraiment compliquée.
L'allemand est parlé par environ 72% de la population suisse.
2. Le français
Le français est la seconde langue la plus utilisée en Suisse. Il est parlé principalement à l'ouest du pays. A part quelques différences mineures, il s'agit ici du Français tel qu'on le parle en France. Pas de soucis pour se comprendre entre voisins. Et par ailleurs l'accent suisse est assez agréable à écoute je trouve :)
Les différences notables sont surtout au niveau des nombres. Ainsi :
- Soixante-dix devient septante
- Quatre-vingt devient huitante
- Quatre-vingt-dix devient nonante
Qui a dit que c'était mieux ? Bon, ok, je vous l'accorde. Je ne sais pas trop d'où sort notre quatre-vingt-dix bien français, mais je dois bien avouer que nonante c'est quand même bien plus intuitif...
Le français est parlé par environ 21% de la population suisse.
3. L'italien
L'italien est la troisième langue officielle du pays. Il est parlé exclusivement au sud-ouest du pays, dans le canton du Tessin et dans quelques vallées méridionales du canton des Grisons. Ne parlant pas italien, je ne suis pas à même de dire quoi que ce soit à ce sujet.
L’italien est parlé par environ 5% de la population suisse.
4. Le romanche
Le romanche est la quatrième et dernière langue officielle de Suisse, et ce seulement depuis 1938. Il est parlé uniquement dans le canton des Grisons, et semble en perte de vitesse : de moins en moins de personnes le parlent. Il y aurait aujourd'hui moins de 40 000 locuteurs.
Plus précisément, la statut de langue officielle n'est accordé au romanche que pour « les rapports que la Confédération entretient avec les personnes de langue romanche ». On peut ainsi dire qu'il s'agit plutôt d'une langue semi-officielle.
J'ai entendu une fois parler romanche. Cela m'a fait fait l'effet d'une madeleine de Proust, et m'a transporté dans mon enfance, dans le village natal de ma grand-mère, où je passais mes vacances d'été, au nord de l'Italie. Là-bas, le dialecte était le Frioulan, et j'ai trouvé de nombreuses similitudes entre les 2 langues.
Le romanche est parlé par environ 0.5% de la population suisse.
Et le Yéniche alors ?
Le yé-quoi ? Depuis 1997, le Yéniche est reconnu en Suisse comme « langue nationale sans territoire ». Le Yéniche est principalement utilisé par des groupes marginalisés qui ont mené, voire qui mènent encore aujourd'hui une vie nomade ou semi-nomade. Le Yéniche compte tout de même environ 30 000 locuteurs, soit presque autant que le romanche.
Mais reprécisons le bien : le Yéniche ne fait absolument pas partie des langues officielles de la Suisse.
Mais comment on fait avec 4 langues officielles ?
Là où ça devient compliqué, c'est que la répartition des langues n'est pas faite par canton. Ainsi, il peut y avoir des cantons avec 1 langue officielle, des cantons avec 2 langues officielles, et même des cantons avec 3 langues officielles. Je ne comprends pas encore aujourd'hui comment ils s'en sortent avec ce multilinguisme et tout ce qu'il implique : traduction de tous les documents officiels, dialogues et décisions politiques du pays, interprétation des lois, etc...
Pour donner un exemple de mon quotidien, prenons un logiciel créé pour la confédération. Celui-ci doit obligatoirement être multi-langues, et être disponible au moins en français, en allemand et en italien. On imagine pas la surcharge de travail et de coût qu'entraine un logiciel multi-langues :
- Il faut traduire toutes les interfaces, sachant que bien entendu les textes n'ont pas du tout la même taille en allemand et en français.
- Il faut aussi traduire toutes les documentations (manuels techniques et manuels utilisateurs par exemple).
- Personne ne parlant parfaitement les 3 langues, il faut déléguer la traduction à différents intervenants, et les coordonner.
- Il faut utiliser des logiciels adéquats pour suivre le processus de traduction et de correction des textes.
- Les formations dispensées doivent l'être dans différentes langues.
- ... etc.
Et là où ça devient carrément fou, c'est que beaucoup de personnes ne parlent au final qu'une seule langue correctement ! Combien de romans ai-je déjà rencontré qui ne parlaient presque pas un mot d'allemand ? Et inversement, combien de suisse-allemands savent à peine dire bonjour en français ? Comment font-ils donc pour communiquer entre eux ? Quand on voit combien la différence de langue peut être une barrière, et ralentir tous les processus, je dois avouer que je ne comprends pas comment ce pays peut si bien tourner...
Répartition des langues en Suisse
Bon, c'est pas tout ça, mais normalement le thème de cette série d'articles c'est "La Suisse avec des cartes" si je me souviens bien... Et là, je n'ai pas mis beaucoup de cartes pour le moment... Je vais essayer de me rattraper.
La carte ci-dessous vient de l'Office Fédéral de la Statistique, et montre la répartition des langues sur le territoire suisse :
On voit bien que la répartition des langues ne correspond pas aux frontières cantonales. Ce serait trop facile. Pour avoir un autre visuel, par cantons cette fois, j'ai classé sur la carte ci-dessous les cantons en fonction de leur(s) langue(s) officielle(s) :
Enseignement des langues étrangères en Suisse
Dès le primaire, l'apprentissage de deux langues étrangères est obligatoire. C'est un projet ambitieux, mais qui semble toutefois appropriée à la situation linguistique particulière du pays.
La carte ci-dessous représente la première langue étrangère obligatoire par canton :
Et voici une carte représentant la seconde langue étrangère obligatoire par canton :
Il est interessant de remarquer les choses suivantes :
- L'enseignement de l'allemand est obligatoire dans tous les cantons.
- L'enseignement du français, quant à lui, n'est pas obligatoire dans un seul canton : celui des Grisons.
- En ce qui concerne l'italien, son enseignement n'est obligatoire que dans les cantons du Tessin et dans celui des Grisons.
- L'enseignement de l'anglais est obligatoire dans toute la Suisse sauf dans le canton du Tessin.
- Il n'y a qu'un seul endroit où les 3 langues principales officielles suisses sont enseignées de manière obligatoire (je laisse le romanche de côté) : dans le canton du Tessin.
A suivre ici : La Suisse : le relief